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Les interviews du collectif C.T.O.P.

Interview de Didier Carton

 Interview de Didier Carton

Le délégué de l’hygiène et de la sécurité des productions cinématographiques et publicitaires (CCHSCT)

Le COVID19 au coeur des tournages de pub...

  C.T.O.P., vendredi 21 août 2020

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 Rubrique, « Les 12 Questions à... »

Le confinement a mis en exergue un point majeur : l’isolement des techniciens et des ouvriers intermittents du spectacle.

 Salarié à multiples employeurs, l’intermittent du spectacle remplit différentes tâches au sein d’une équipe nombreuse et n’a souvent pas le temps de saisir les

 rouages de la fabrication du film depuis sa conception jusqu’à la diffusion ni d’avoir une vision globale du projet.

 En effet, la particularité d’un tournage de film publicitaire est que l’urgence est omniprésente depuis la préparation jusqu’à la post-production. Nous n’avons pas le temps de comprendre qui fait quoi ni pourquoi telle décision a été prise en amont. Le post-confinement nous a également montré que nous n’étions pas les seuls dans ce ressenti. Les producteurs, les agences de publicité et les annonceurs, les fournisseurs, les agents, les mannequins, les comédiens,

  les administrations le ressentent aussi.

 Ces particularités ne facilitent pas les liens. Et sans lien, l’empathie est difficile. C.T.O.P., notre Collectif des Techniciens et des Ouvriers de la Publicité crée ce

 lien ! C.T.O.P. vous proposera régulièrement des interview de « personnalités » de notre secteur des films publicitaires.

Pour l’ouverture de cette rubrique intitulée « 12 questions à », Didier Carton,

le délégué de l’hygiène et de la Sécurité des productions

  cinématographiques et publicitaires (CCHSCT) a eu la gentillesse d’accepter notre invitation.

  Le C.C.H.S.-CT a pour mission générale de contribuer à la prévention et à la protection de la santé et de la sécurité des salariés, ainsi qu’à l’amélioration des conditions de travail. Il veille à l’observation des prescriptions législatives et réglementaires, procède à l’analyse des risques professionnels et, après chaque

 accident du travail par exemple, effectue une enquête pour contribuer à la promotion de la prévention.

 Retrouvez l’interview complète dans le groupe privé des adhérents...

 Virginie LEMPEREUR

 Présidente de C.T.O.P.

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 1- Qui t’emploie? Quel est habituellement ton rôle sur les tournages de films publicitaires?

Ceux qui m’emploient sont les partenaires sociaux, les 3 syndicats représentatifs des salariés et les 3 syndicats d’employeurs qui siègent dans une instance qui s’appelle le Comité Central d’Hygiène et de Sécurité de Conditions de Travail, de la production cinématographique et publicitaire, et je précise que cela inclue la publicité et qu’il en existe un autre pour les productions audiovisuelles.

La création de notre CCHSCT relève d’un accord professionnel, qui a valeur règlementaire puisqu’il à été étendu pas le ministère du travail en décembre 2007.

La mission de cette instance est de faire en sorte que la santé, la sécurité et conditions de travail s’améliorent dans les secteurs en questions.

Le fonctionnement du CCHSCT repose sur une cotisation patronale qui, outre mon salaire, permet de financer les initiatives que nous portons et d’assurer le fonctionnement même du CCHSCT .

Mon rôle c’est d'être conseiller technique des partenaires sociaux. L’une de mes mission est d’aller sur les tournages pour m’assurer que tout va bien et diffuser de l’information auprès des équipes. Mais c’est un tout petit bout de la mission car je suis seul sur ce secteur d’activité et sur tout le territoire, et il m’est impossible d’être partout.

Il nous faut donc trouver les moyens d’agir plus largement au bénéfice de l’ensemble de la profession.

Pour cette raison, on a réalisé un guide de préventions appelé Livret d’accueil « vos conditions de sécurité décryptées » . Constitué de fiches sur les différents aspects des tournages nous y donnons une information la plus complète possible avec des rappels règlementaires et des conseils de prévention pour que chacun puisse agir, quel que soit son rôle. http://www.cchscinema.org/livret-daccueil-vos-conditions-de-securite-decryptees/

Mon rôle est surtout, et j’insiste sur ce point, d’être là pour accompagner en préparation. Faire de la prévention au moment où on donne le clap sur le tournage, je n’appelle pas de cela prévention. Ce n’est pas là qu’on est le plus efficace ; en cas de problème, de risque important, on se retrouve dans une situation où les marges de manœuvres sont faibles et le risque de perturber le déroulé du tournage important . Se parler et trouver des solutions en amont reste une meilleure approche. Alors n’hésitez pas à m’appeler le plus tôt possible mais aussi en cas de doute, etc.

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 2 - Quelle est la raison d’une déclaration de chantier ? Que se passe-t-il si on ne la fait pas ?

Cette déclaration de chantier s’appelle en réalité «déclaration de production ». Un tournage n’est pas forcément un chantier avec un décor en construction.

Les partenaires sociaux ont souhaité que les productions fassent connaitre au CCHSCT les projets sur lesquels ils travaillaient de façon à permettre de jouer ce rôle de conseil et de

centraliser l’information relative à l’activité pour pouvoir agir au plus prêt du terrain.

C’est une obligation règlementaire qui fait partie des dispositions générales étendues par un arrêté du 15 octobre 2016 et qui fixe des mesures spécifiques aux secteurs de la

production pour améliorer l’hygiène et la sécurité. Cela va de mesures administratives comme cette déclaration de production ou la création d’un registre de prévention (qui centralise les informations relative aux mesures de prévention et est accessible aux salariés) jusqu’à des mesures plus opérationnelles comme l'organisation d’une cascade ou l’utilisation des drones par exemple.

Et si on ne la fait pas?

S’agissant d’une obligation règlementaire, l’inspection du travail pourrait relever un manquement. De même, les agents de prévention des caisses de sécurité sociale pourraient s’en saisir ce qui entrainerait une majoration du taux de cotisation accident du travail et maladie professionnel de l’entreprise.

Enfin, en cas d’accident grave, l’inspection vérifiera que l’entreprise à bien respecté ses obligations en matière de sécurité. L’absence d’une déclaration de production pourrait alors constituer un élément d’appréciation défavorable face aux juges qui seraient amenés à se prononcer.

De mon point de vue, c’est surtout un lien pour faciliter la prise en compte des risques. Souvent les nouveaux arrivants ne savent pas que la prévention des risques relèvent de l’entreprise et font, de bonne foi, ce qu’ils peuvent pour résoudre les problèmes. Nous sommes là pour vous y aider.

La déclaration constitue en cela une première prise de contact autour d’un projet.

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 3 - Lorsque tu contrôles une installation technique sur un plateau et que tu constates « un manque », fais-tu simplement un « état des lieux » à la production ou peux-tu stopper le tournage afin de « sécuriser » l’équipe ?

Je ne suis pas un contrôleur au sens règlementaire du terme. Ma mission n’est pas de me substituer au « bureau de contrôle » et de procéder aux vérifications règlementaires dont la conduite relève de textes spécifiques. Je suis un outil voulu par les partenaires sociaux pour les productions et l’ensemble des professionnels.

La 1ere chose que je vais faire, c’est donc alerter la production par l’intermédiaire du directeur de production et aussi le chef de poste concerné pour comprendre, informer, etc. Ceci dit, je ne suis pas son hiérarchique, je n’ai pas d’ordre à donner donc c’est vrai que ma démarche est souvent d‘aller voir le directeur de production.

Les seuls habilités à arrêter une activité, ce sont les inspecteurs du travail. Je n’ai pas ce pouvoir, mais le fait de rappeler les obligations à la production et plus largement aux professionnels, met tout le monde dans une position de « responsabilité » qui fonctionne plutôt bien.

L’employeur a le pouvoir de direction. C’est lui (ou son représentant) qui décide en connaissance de cause de ce qui doit être fait. Mon rôle est de l’éclairer pour que la bonne décision soit prise.

4 - Comment s’est passé ton confinement du point de vue professionnel ?

Bien merci, mais d’une densité exceptionnelle pour moi !

Je me suis très vite interrogé sur quoi mettre en place pour les entreprises qui souhaitaient pérenniser leur activité dans la situation sanitaire qui se présentait.

On a constitué un groupe de travail en y associant des représentants de diverses associations et le CMB (Santé au travail) pour densifier le projet de socle commun de prévention en

vue de la sortie de confinement. J’ai assuré l’animation de ce groupe pour arriver à un guide qui réponde aux questions des uns et des autres. Il a fallu arbitrer au milieu d’une situation inédite où l’urgence et les interrogations se bousculaient et où il ne fallait pas se tromper de priorité alors qu’on ne possède pas toutes les réponses qui auraient permis de satisfaire tout à chacun.

Il a fallut prendre le recul nécessaire pour être au plus juste dans ce qu’on écrit.

C’était une expérience inédite pour tout le monde y compris pour moi. J’avais heureusement une certaine expérience de la production de ce genre de publication et le dialogue sociale est une de mes pratiques. Mais l’ampleur de cette crise ne nous a vraiment pas simplifié la tâche.

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 5 - Et la reprise des tournages dans le secteur de la pub?

Nombre d’entreprise de productions de films publicitaires avaient des demandes à satisfaire dès la levée du confinement. Il y avait donc une vraie urgence pour ce secteur spécifique. On y était le pieds sur l’accélérateur.

La logistique d’une pub n’est pas celle d’un long-métrage. En pub, la prépa est assez rapide, de plus en plus rapide et tout se fait dans l’urgence. Depuis la prépa jusque sur le tournage d’ailleurs. Dans ce secteur, il y avait une vraie urgence car dès la fin du déconfinement vous étiez capable de retourner sur les plateaux, contrairement au long-métrage.

Une des spécificités de la pub, c’est aussi de ne pas être totalement maîtresse de ce qui va passer sur l’écran. Car vous avez des intervenants extérieurs : l’agence et l’annonceur définissent ce qui doit être filmé et veulent être présents sur les tournages. Avec les nouvelles conditions sanitaires, il vous faut négocier de nouvelles attitudes : comment produire l’image souhaitée par le client en préservant la sécurité de chacun (mannequins, techniciens, etc.) ? Comment éviter ou limiter la co-activité des équipes avec celles de l’agence et du client ?

Sur certains projets, cela est resté un vrai problème auquel ont été confronté des producteurs. Mais il y a aussi des annonceurs et des agences de pub qui l’ont compris et sont restés chez eux avec l’image en remote pour éviter les interactions.

On ne raye pas d’un revers de manche tout ce qui a existé. J’en ai bien conscience mais il y a un véritable enjeu de santé publique.

Mon travail c’est l'« évaluation des risques », de tous les risques et pas juste du Covid. Mais son arrivée a augmenté les sollicitations en phase préparatoire qui ne requièrent pas de se rencontrer. Pour l’instant, cela limite mes intervention sur les plateaux ce qui d’un point de vue sécurité est plutôt positif pour moi. Mais j’espère bien que la situation sanitaire me permettra des échanges plus directs que ce soit en prépa. ou lors des tournages

Pour moi tous les sujets se traitent en amont, on est plus efficace en anticipant les choses. Je préfère me déplacer pour une réunion avec une équipe de prod pendant la prépa d’une pub pour penser le tournage que de me déplacer à l’improviste et de constater que ça se passe mal.

Mon boulot ce n’est pas constater que ça se passe mal mais de faire en sorte que ça se passe mieux.

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 6 - Que penses-tu des formations de Référent Covid? Sont-elles nécessaires? Un conseil pour les adhérents de CTOP ?

Au début, je ne voulais pas parler de référent Covid mais d’encadrement et de coordination des mesures de prévention. Nous avons déjà (et à juste titre) un référent harcèlement sexuel en long-métrage et on pourrait en avoir pour beaucoup de sujets au risque de n’agir que sur un mode action/réaction : un problème=un référent ce qui est un peu simpliste.

En réalité, dans chaque entreprise, on doit avoir une ou des personnes compétentes en matière de prévention des risques. Cela fait cruellement défaut dans notre secteur y compris pour réaliser l’évaluation des risques professionnelles, le fameux Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels (DUERP).

Mais il faut bien que les mesures qui s’impose dans la situation actuelle soient effectivement mises en œuvre, et à ce titre, le référent Covid est plus que nécessaire.

Il faut donc d’abord définir ce qu’on veut de lui : mettre en oeuvre les mesures de préventions définies par l’entreprise et puis en informer les salariés. C’est le minimum voulu par le protocole national de déconfinement – Etape 3.

Mais qui définit les mesures et avec quelles compétences?

Le référent doit pouvoir accompagner l’entreprise pour que les mesures de préventions adaptées soient prises.

Cette fonction qui n’existait pas il y a quelques mois nécessite des compétences particulières. Il est donc absolument nécessaire que les référents puissent être correctement formé.

Le référent doit bien évidemment avoir une vision très claire de la maladie, des modes de transmission et des mesures à mettre en œuvre pour éviter la contamination et être en mesure de dispenser une information claire à l’ensemble des travailleurs. Il doit aussi être capable de faire comprendre le bien fondé de telle ou telle disposition ; on assiste par exemple à des débats autour de la pertinence des tests, de la prise de température. Le référent doit pouvoir donner les éléments qui clarifient et qui conduisent l’employeur à prendre la décision adaptée.

Il devrait enfin et peut être surtout participer, en relation avec la production et avec le client, à l’évaluation du risque y compris lors des prises de vue dont on sait qu’elles constituent le point le plus épineux pour nos secteurs.

Je vous donne l’exemple d’une production qui a filmé 3 mannequins en même temps, dansant et se souriant. Ils ont décidé qu’elles seraient à 50 cm les unes des autres et la production a pris la décision d’installer des séparations en plexiglass qu’ils ont effacés en post-prod.

Quant aux formations, plusieurs organismes proposent des cessions. Sans opérer de classement parmi ces offres le CFPTS décrit assez précisément les thèmes abordés et les compétences visées. https://www.cfpts.com/

De notre coté, en collaboration avec la Commission du film Ile-de-France, nous avons rédigé une liste des compétences attendues qui doit prochainement être publiée.

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 7 - Certains tournages ont-ils été arrêtés à cause du Covid19? Peux-tu exceptionnellement stopper un tournage de pub qui ne respecte pas suffisamment les conditions sanitaires imposées par le virus ?

A ma connaissance, aucun tournage n’a été arrêté dans notre secteur par décision judiciaire en tout cas.

Mais la Covid 19 circule de plus en plus. Et j’ai récemment appris que le tournage d’une série avait été interrompu suite au diagnostic d’un cas chez une comédienne. La probabilité d’avoir un technicien, un réalisateur ou un comédien malade du Covid reste une réalité. Seule une prévention sérieuse doit permettre d’éviter de bloquer l’activité.

De mon côté, je ne peux que vous encourager à m’appeler pour vous assurer que les mesures prises sont pertinentes ou faire en sorte qu’elles le deviennent.

8 - De ton point de vue, quelles attitudes / habitudes, les équipes doivent-elles désormais intégrer avec les contraintes

Covid19 ?

Après ce que nous venons de traverser, je reste stupéfait par notre capacité à déléguer aux pouvoirs public la mise en place de mesures qui relèvent du civisme et d’un certain bon sens. C’est particulièrement vrai pour la distanciation et le port du masque dont certains attendent qu’il devienne obligatoire.

Mais il s’agit d’attitudes et d’habitudes qui ne concernent pas que notre vie au travail et cela change peu à peu. D’autant mieux quand l’entreprise joue son rôle pour faciliter l’appropriation des mesures et dispenser l’information.

Le référent est là pour nous rappeler ces règles de base. La prévention du Covid est complexe. Le diable se loge dans les détails et il doit être vigilant même si on ne peut pas tout lui demander. Et même si c’est infantilisant, il doit donner de l'information sur le virus. C’est lui qui va donner la ligne de conduite de l’entreprise.

Même si cela reste perfectible le port du masque, l’hygiène, les relations sociales évoluent dans le bons sens.

Pour conclure à ce sujet, il faut retenir que le virus pénètre notre organisme en passant par la bouche, le nez et les yeux et partir du principe qu’il est partout. J’utilise souvent l’image d’une couche de confiture qui recouvre tout.

Il faut donc régulièrement se laver les mains et nettoyer, désinfecter les surfaces de contact, éviter la proximité et les contacts physiques (distanciation), et porter le masque et parfois une visière quand la distanciation est aléatoire. Ce n’est pas tout mais c’est la base.

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 9 - En cas de non-respect des règles sanitaires sur un tournage de pub (décor trop exigu, équipe trop importante, non port du masque etc....), quelles sont les obligations du producteur et/ou du directeur de production ? Et réciproquement, si la production ne respecte pas ces règles?

Quand on est salarié d’une entreprise, on est sous la subordination de l’employeur. Tant qu’on est sous contrat, on se doit d’exécuter le contrat de bonne foi, de respecter les règles édictées par l'entreprise, les horaires, etc. pour que l’objectif du travail soit atteint. En contrepartie, l’employeur se doit de préserver la santé de ses salariés ; ils ne doivent pas subir d’altération de leur état santé du fait du travail.

Le pouvoir de direction est là pour permettre à l’employeur de faire respecter les règles qu’il a édictées notamment en matière de sécurité.

L’employeur a ainsi pouvoir de sanction en cas de manquement.

Le Coronavirus n’échappe pas à cette logique.

L’employeur est donc responsable des conditions de travail. Un décor qui se révèle trop exigu qui n’a pas été correctement évalué appelle des mesures compensatrices pour assurer la sécurité. En leur absence, la responsabilité pourra être engagée.

Autre exemple : il fait chaud, le port du masque devient évidemment problématique surtout pour certaines professions Il faut absolument augmenter le rythme des changements de masques avec une pause pour se réhydrater. La production se doit de l’anticiper. Ce n’est pas juste changer de masque, mais s’arrêter quelques minutes pour respirer, se réhydrater.

A l’inverse, si une personne de la production (producteur ou directeurs de production) ne respecte pas les consignes sanitaires, c’est très dommageable. En matière de prévention, l’exemplarité est une règle.

Le référent Covid devra avoir été clairement positionné pour lui permettre ici de jouer un rôle.

Le coronavirus nous invite à modifier nos représentations : en me protégeant, je protège aussi les autres.

Autrement dit, en acceptant de courir un risque pour soi, on fait courir des risques plus importants aux autres. C’est au final assez méprisant.

Mais je ne partage pas le lieu commun qui dit « qu’un chef d’entreprise doit aimer le risque ». C’est tout le contraire ! Un chef d’entreprise évalue le risque pour éviter de mettre son entreprise en danger. Il a un vrai intérêt à être très rigoureux, y compris face au coronavirus.

De même, l’application des mesures par l’agence ou l’annonceur doit être prévue. En cas de manquement ,cela permettra plus facilement au producteur d’intervenir pour y remédier.

L’absence de mesures, leur inadaptation, peut être le lieu d’exercice du « droit de retrait » . Quel qu’en soit l’origine, l’absence de distanciation, de port du masque, etc. doit permettre au salarié d’informer l’employeur que ce droit sera exercé si les mesures ne sont effectivement pas mises ne place.

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 10 - As-tu remarqué une différence entre avant et après le Covid19? Ton rôle a t’il été quelque peu modifié par la pandémie?

J’ai vu quelques tournages mais pas tous. Il y a quand même un changement. Certaines prod ont réussi de façon assez simple à convaincre leurs annonceurs et agences de pub pour qu’ils ne viennent plus sur les plateaux.

Les directeurs de production ont pour certains bien compris qu’il fallait prendre des mesures face caméra. Aujourd’hui on vient plus facilement me chercher pour me questionner sur des sujets de mise en scène par exemple. C’est un bon réflexe. N’hésitez pas !

11 - Fin juillet, certains annonceurs ont annulé des tournages de films publicitaires déjà en préparation en vue d’un éventuel re- confinement « secret » qui se préparerait au sein du gouvernement. Qu’en dis-tu?

Ce sont sûrement des décisions commerciales. Une peur que leur produit ne soit pas pertinent dans le cadre d’un nouveau confinement.

Cependant, je n’ai pas entendu parler d’un nouveau confinement pour notre secteur des tournages. D’ailleurs, nous n’avons pas été interdit d’activité et je ne vois pas pourquoi on le serait demain. Le monde du spectacle vivant et de l’évènementiel ou de la restauration l’a été et l’est encore parce qu’ils reçoivent du public. Ce n’est pas notre cas. Je ne crois donc pas à une interdiction de tourner dans la publicité.

Si on décèle un cas sur un tournage, on risque de voir l’équipe mise en quarantaine en attendant les résultats des tests. L’activité pourrait alors très vite reprendre si le virus n’a pas circulé. D’où l’importance d’être très rigoureux dans la mise en œuvre des mesures.

N’oublions pas non plus que nous partageons des ressources, les studios, le matériel, etc. et que ce qui se passe dans une équipe peut impacter bien au-delà.

J’entendais ce matin que le premier lieu de cluster est l’entreprise. On aura donc sûrement des confinements par cluster et non plus un confinement général.

Je ne pense pas non plus que les échanges internationaux reprennent comme si de rien n’était avant longtemps. Regardez les récentes restrictions mise ne place pas l’Angleterre !

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 12 - Pour finir, crois-tu possible à un retour des films publicitaires sur le territoire français ?

L’intérêt de tourner à l’étranger est double : trouver des décors qu’on ne trouve pas ici et une main d’œuvre moins cher.

Si on voulait filmer la jungle amazonienne aujourd’hui, en situation de pandémie, on ne pourrait pas le faire. Pour le reste, je ne sais pas. Ce qui est clair c’est que le Covid offre aujourd’hui cette opportunité de faire revenir les tournages en France. En tout cas, ce que j’espère, c’est que cela sera durable et que ce ne sera pas à cause du Covid !

Par contre je n’ai pas de boule de cristal et il est difficile de prédire l’avenir. Mais Paris et Marseille, comme la Mayenne cet été, sont des lieux où le Covid est toujours virulent. On pourrait donc imaginer des confinements locaux en fonction des évolutions.

Je ne sais pas non plus si la politique de surveillance de l’évolution de l’épidémie pourra limiter l’extension des cluster dans les régions où la population est dense et utilise massivement les transports.

J’ai aussi du mal à imaginer qu’une région puisse interdire aux techniciens d’autres régions de venir tourner sur son territoire. Il me semble intéressant de tenir compte de l’état sanitaire des localités pour sécuriser les tournages notamment en dehors des heures de travail.

13 - Que penses-tu des tests rendus obligatoires par certaines assurances?

Obliger des salariés à faire un test reste illégal et le protocole national de déconfinement rappelle qu’il ne revient pas à l’entreprise d’organiser des tests. Cette clause de l’assurance devrait donc être inapplicable.

Là où je suis surpris, c’est qu’une entreprise demande les résultats du test. Pas question ! Le seul destinataire est la personne qui a subit le test et un tiers n’a pas le droit de lui demander les résultats. Cela relève de la vie privée et du secret médical. L’entreprise n’a pas à connaître les pathologies dont souffre un salarié.

En revanche, l’article L 4122-1 du code du travail demande au salarié de prendre soin de sa santé et de celle des personnes concernées par ses actes ou ses omissions. Pour faire court, on ne vient donc pas infecter ses collègues si on se sent malade d’autant plus que l’entreprise doit avoir donné des consignes en ce sens. Le code du travail rappelle ici la responsabilité du salarié et ne laisse donc pas l’entreprise seule.

Pour conclure, l’enjeu dépasse largement le cadre de l’individu. Chacun joue ainsi un rôle dans la prévention de l’épidémie.

Mais je n’oublie pas que la spécificité du secteur de la publicité et plus largement de la production de films, c’est la proximité qu’on veut donner à voir à l’écran.

On « vend du rêve » dans le sens où on montre ce qui n’existe pas. C’est assez inédit mais nos savoir faire, et nos techniques utilisés pour y parvenir sont maintenant convoqués pour assurer la sécurité « face caméra ».

N’oublions pas non plus le dialogue avec les annonceurs qui constitue sans aucun doute l’une des clefs de la réussite !

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Interview de Marc Galerne

 C.T.O.P. I novembre 2020 I

  Copyright dessin @ Max Magnan, story-boarder

Marc Galerne


     Copyright photo @ Marc Galerne

cri d’alerte...

Marc Galerne Gérant de la société K5600 Lighting

Ala sortie du confinement, des

techniciens de tous horizons reçoivent un e-mail*, véritable cri d’alerte de Marc Galerne, fabriquant de matériel électrique pour les tournages de films.

C.T.O.P. a souhaité le rencontrer et l’interviewer afin de mieux comprendre ses problématiques.

Où en est Marc aujourd’hui?

Vente et fabrication de projecteurs d'éclairage HMI polyvalents, pour prises de vue cinéma, photo, vidéo : Joker Bug 200W/400W/800W/1600W et Alpha 200W/1600W/4KW/9KW/18KW

475, rue de Flins - 78410 Bouafle - France
 Tel : +33 (0)1 30 90 56 00 

Mail : info@k5600.eu & marc@k5600.eu

https://www.k5600.eu/ *E-mail en Annexe de l’interview

 

 C.T.O.P. I interview Marc Galerne I 3

 Copyright photo @ Marc Galerne

1. Marc Galerne, bonjour ! Pourrais-tu te présenter et présenter ta société K5600 Lighting au Collectif des Techniciens et Ouvriers de la Publicité ?

Chez K5600 Lighting, nous sommes fabriquant de matériel électrique. On a démarré la société en 1992. Avant ça, je travaillais chez LTM qui fabriquait déjà de projecteurs, puis je me suis occupé des studios de la Victorine à Nice qu’ils venaient de racheter. Sept ans plus tard, j’ai ouvert cette société K5600 Lighting avec mon frère qui vit aux Etats-Unis et mon père qui malheureusement est décédé un an plus tard en nous laissant ce joli cadeau... à ce moment là, un monceau de dettes ! (rires...)

Donc depuis 1992, on fabrique essentiellement des projecteurs HMI. Depuis un an et demi on est essentiellement sur des projecteurs à LED puisque c’est la tendance. C’est nous qui fabriquons les Jokers et les Alphas. Ces projecteurs sont un petit peu notre signature. On retrouve ces produits pas seulement en France mais dans plein de pays !

On conçoit les appareils, on les dessine, puis on les transmet aux sous-traitants qui fabriquent les pièces, que ce soit de la fonderie, de l’usinage, de la tôlerie. Puis, nous, en interne, on fait l’assemblage final, on fait les tests, les finitions. Puis on valide le produit avant de le faire sortir. Chez K5600 Lighting, nous sommes sept personnes et la même chose aux Etats-Unis.

On est surtout concepteur. A l’origine, on avait un bureau ici à Paris et un à Los Angeles. Au début le développement HMI ne se faisait qu’en France et depuis 5 ans le développement LED se fait aux Etats-Unis. Commercialement, on s’est divisé le monde entre mon frère et moi : nous on fait l’Europe, Afrique et l’Inde et, et le bureau aux Etats-Unis a les Amériques, l’Australie et l’Asie.

On fournit donc les loueurs de matériel électrique pour les tournages de films. Les loueurs sont nos clients n°1.


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 2. Comment s’est passé le 1er confinement au sein de ton entreprise? As-tu pu bénéficier facilement des aides dont parle le gouvernement, comme le chômage partiel, le report de cotisations etc...?

Ca s’est arrêté très brutalement pour nous aussi. On a même réussi à faire un mois d’avril négatif ce qui ne nous était jamais arrivé ! Nos commandes ont été annulées. J’ai mis tout le monde au chômage partiel sauf moi puisque je suis gérant non salarié de la société.

J’ai essentiellement essayé de sauver une situation de crise. On a fait un premier PGE (Prêt Garanti par l’Etat) de 200.000€. On pensait que nos clients nous paieraient mieux et que ce confinement n’allait pas durer. Mais on a dû faire un second crédit un mois plus tard. C’était une catastrophe.

A la fin du confinement, on a recommencé à travailler un petit peu mais sur le 1er semestre on a une perte de 80% du chiffre d’affaire par rapport à 2019. Sur le 3ème trimestre on en est à 40% de notre chiffre.

2020 est une année foutue. Et vue ce qui a été annoncé récemment, cela ne va pas s’améliorer et ça peut même durer jusque l’été 2021... comment on va tenir? Je ne sais pas.

3. Depuis le début de la crise sanitaire, quel a été, en tant que chef d’entreprise, ta position vis à vis de tes clients?

Mes clients sont majoritairement des loueurs de matériel électrique pour les tournages, pub, fiction, documentaires etc. Depuis septembre dernier, il y a beaucoup d’activité. Mais si des cas Covid continuent d’apparaître sur les films, ce qui stoppe les tournages entre une à 2 semaines, les budgets vont encore diminuer.

Nous, en tant que fabricant, on ne reçoit aucune aide. Pour les loueurs, ce n’est pas la bonne période pour investir. N’empêche que depuis septembre surtout, ces derniers travaillent énormément.

Ce n’est pas la même chose pour les producteurs de fictions cinéma ou de série TV qui reçoivent d’importantes aides publiques.


 4. Marc, quelle est ton interaction avec le secteur des tournages de films publicitaires ? Quels postes te contactent ? Dans quel cadre et pour quelles raisons vous rencontrez-vous?

Nous n’avons quasi aucune interaction avec les maisons de productions, ni les directeurs de productions puisque ce sont les loueurs qui sont en contact avec elles. On rencontre surtout des chef opérateurs et des électriciens sur des salons, lors d’expos. Mais aussi lors d’une demande particulière pour laquelle un technicien nous demande de faire des essais que l’on fait parfois chez nous, dans nos locaux, ou directement sur le plateau où on apporte notre matériel. On nous dit : je veux faire ci ou ça, comment je peux faire, combien de projecteurs de tel type il me faut pour couvrir telle surface. Et on trouve des solutions ensemble !

Ce sont surtout des chef électro qui nous contactent. Les chef op’ nous contactent le plus souvent lorsqu’ils partent à l’étranger pour nous demander chez quel loueur ils peuvent trouver notre matériel.

En revanche, à l’époque où on parlait beaucoup de tournage à grande vitesse par exemple, on était très sollicité. On est beaucoup intervenu sur les possibilité de nos appareils en se battant contre les idées reçues, qu’il fallait des ballastres en 1000 Hertz par exemple alors que dans 80% des cas les ballastes en 300 Hertz suffisaient. De plus les 1000 Herz présentent d’autres inconvénients et ce n’étaient pas toujours la bonne solution. Mais Arri notre concurrent le proposait alors il fallait faire pareil. Il faut toujours se battre contre la mode. Mais bon depuis, les gens ont appris.

C.T.O.P. I interview Marc Galerne I

J’aimerais bien que certains directeurs de productions nous contactent directement. Je m’attendais, avec les micro salons instaurés il y a quelques années, que certains d’entre eux se déplacent mais malheureusement ce n’est pas le cas.

Chaque fois qu’il y a un problème, le fabriquant n’est jamais autour de la table et comme les absents ont toujours tort... Dans la plupart des cas les soucis surviennent à cause d’un problème de maintenance. Il y a une vraie perte à la maintenance chez certains loueurs. Les anciens sont partis en retraites et actuellement peu de gens ont les bonnes compétences dans la compréhension du matériel et de tout son mécanisme.

Par exemple un projecteur dégage de la chaleur, il ne faut pas obstruer les évacuations. Certains techniciens le font sur du matériel de location alors qu’on ne le ferait pas chez soi. Il faut toujours aller de plus en plus vite. On s’en fout de ce que ça coûte. Et personne ne veut payer.

Le bon loueur saura voir d’où vient le problème. Peut-être qu’avec plus de connexion entre nous, les directeurs de production sauraient le voir aussi.

Les seuls contacts avec les prod que l’on a parfois c’est en cas de sinistre sur de la petite casse. Le directeur de production appelle pour vérifier ce que le loueur leur facture.

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 5. En quoi la publicité est-elle importante pour vous?

C.T.O.P. I interview Marc Galerne I 6

 En effet, pour nous la pub est importante parce que la demande est pointue. On a par exemple des demandes de plafonds entiers de projecteurs qui fonctionnent en douche car tous les projecteurs fonctionnent comme ça chez nous. Ce type d’installation est mis en place pour éclairer des voitures par exemple. Et ça fait rêver les chefs op’ !

Il y a eu une époque où les chef opérateur testaient le matériel de pointe et certaines innovations sur les tournages de films publicitaires parce que les budgets le leur permettaient. Ils savaient ensuite quel matériel serait le plus approprié pour un long-métrage.

Les budgets ont été coupé. Ca n’existe plus, c’est dommage !

 Copyright photo @ Marc Galerne


 6. A la sortie du confinement, tu nous a alerté au travers d’un e-mail sur la difficulté qu’allaient rencontrer les entreprises comme la tienne. Tu as été assez visionnaire ! Et notamment sur les entreprises qui travaillent indirectement pour le secteur des tournages de film publicitaire. Peux-tu nous dire dans quelles conditions vous travaillez depuis?

On a eu une perte de chiffre conséquente. Aujourd’hui on essaye de maintenir un stock pour pouvoir livrer en temps et en heure si on reçoit une commande. C’est toujours ce qui a fait notre force par rapport à la concurrence qui sont souvent de grosses structures et chez qui tout prend plus de temps.

Heureusement, on a des frais réduits car actuellement on n’a plus de déplacements, plus d’expos, plus de salons. L’année dernière on a fait notre chiffre avec 70% d’exports et bien évidemment il n’y a plus d’export du tout en ce moment. On bosse beaucoup sur l’Espagne, l’Italie, l’Angleterre, l’Allemagne et la Scandinavie. Bien avant notre confinement, on a été touché par la crise. Les sociétés ont stoppé ou annulé leur commandes.

Actuellement, il y a des petits sociétés de productions de docs notamment qui investissent dans du matériel. Pour eux, c’est difficile à cause de la décontamination du matériel, ils doivent venir, attendre. Entre la location et la décontamination, ces prods ont fait un rapide calcul sur le temps et l’argent qu’ils économisent et préfèrent investir sur le long terme.

Le technicien conseille souvent la prod sur le type de matériel à acheter.

C.T.O.P. I interview Marc Galerne I 7 Malgré l’énorme regain d’activité qui a commencé en septembre, peu de loueurs achètent et ceux qui achètent sont des loueurs comme RVZ qui renouvellent régulièrement leur matériel, ou Nextshot qui n’a que quelques années d’existence et qui est obligé de grandir. Mais pour les autres on est quasiment à 0. On vend juste de la pièce détachée. Les autres loueurs achètent en dernier recours. Ce qui peut être un problème car on modernise nos appareils, on les fait évoluer régulièrement. Certains loueurs laissent sortir des projeteurs qui ont 25 ans. Et la crise ne va rien arranger. Alors on les aide, à les réparer, les remettre sur pieds. D’un côté le matériel prouve qu’il est robuste mais les nouvelles versions plus récentes tiennent compte de l’évolution des

demandes techniques spécifiques.

Mais tu sais ce problème remonte à bien avant la crise sanitaire car

quand je te parle de nouveauté, je te parle de matériel sorti il y a 4 ans, donc on n’est même plus dans la nouveauté !

Le vrai élément déclencheur de ce que tu as lu par email mais que j’ai écrit dans l’AFC*, c’est que j’ai reçu le même jour les chiffres du CNC** et de la FICAM***, disant qu’on avait perdu quasiment 15% en terme de budget sur les postes techniques en 10 ans. Alors qu’on a du matériel de plus en plus sophistiqué et performant et qu’il y a une obsolescence plus rapide, on aurait dû faire augmenter ces chiffres d’au moins un point de plus par an. Là on réalise qu’on a perdu 1.5 points par an sur 10 ans.

*AFC : association française de cinéma, www.afcinema.com

** CNC: centre national de la cinématographie, www.cnc.fr

*** FICAM : Fédération des industries du Cinéma, de l’Audiovisuel et du Multimédia), www.ficam.fr

    

 7. Cette baisse du budget sur la technique en général, ne serait-elle pas dû aux caméras plus performantes qui nécessite de moins en moins de lumière? Ou encore au succès du steadicam ?

Oui effectivement, il faut peut-être de moins grosses sources de lumière qu’auparavant. Mais il n’en faut pas moins, au contraire, il faut parfois plus de petites sources. Mais en même temps ces chiffres englobent tous les postes techniques, aussi bien la caméra, que la machinerie ou la lumière.

On assiste surtout depuis quelques années à un tel appauvrissement de la production en fiction. On n’est plus du tout dans le qualitatif ! Je parle de fiction pure, on a multiplié le nombre de fictions notamment les séries. Alors on se retrouve avec une génération de producteurs qui montent un financement et un projet sans se soucier de la part artistique. Une fois le produit sorti, comme l’argent ils l’ont déjà fait en amont, ce n’est pas très grave pour eux si ça ne marche pas.

C.T.O.P. I interview Marc Galerne I 8 8. De ton point de vue Marc, quelles sont les pratiques à améliorer

pour permettre à ton entreprise d’évoluer et de sortir de cette crise ?

Tout doit désormais aller si vite, que les loueurs ont commencé à accepter de faire des devis sans avoir de listes précises. C’est la première chose à rectifier. Aujourd’hui on n’affine plus systématiquement les listes de matériels lors des repérages techniques comme avant, et aussi bien en pub qu’en fiction.

Les productions annoncent tout simplement leur budget aux loueurs, et disent « faut que ça rentre ». Fin de la discussion.

Il n’y en a plus beaucoup capables de discuter, de comprendre les moyens techniques qui sont mis à leur disposition et de redéfinir une autre configuration si le budget ne leur permet pas de signer le devis.

Non actuellement, si un loueur refuse de rentrer dans l’enveloppe, comme ils disent, et bien ils vont en voir un autre, sans se soucier de la qualité du matériel qui sera réellement mis à la dispo de leurs techniciens et ouvriers. Et il y en aura toujours un pour dire « oui » de toute façon. Le gros argument actuel, « tu verras, sur le film d’après, on se rattrapera » mais les films d’après n’arrivent jamais car tout est tiré vers le bas et le « après » sera toujours plus bas.

Après, je peux comprendre les compromis que font les techniciens. C’est important de travailler pour avoir son bon nombre d’heures quand on est intermittent. Mais il faut comprendre que nous, fabricants comme loueurs, on a des employés à payer, des frais, des locaux... il faut les payer tous les mois. Trop de loueurs ont accepté ce deal du caddy, qui veut qu’on refuse de retirer du matériel de l’enveloppe proposée. C’est un grand tort.

Les production devraient se battre un peu plus pour garder les lignes budgétaires dans la réalité.

 Copyright photo @ Marc Galerne


 9. Aurais-tu déjà envisagé de créer une association Loi 1901 rassemblant les fabricants de l’industrie du cinéma pour ne faire qu’une seule voix ?

En fait, il faudrait tous nous rassembler. TOUS ! Les techniciens, les ouvriers, les loueurs de matériel, les fabricants, les studios... Il ne faut plus rester isolé. Seul, on est beaucoup plus vulnérable. Dommage qu’il n’y aie pas une grande structure qui rassemble tout le monde. Jusqu’à aujourd’hui, il n’y avait aucun syndicat de techniciens et d’ouvriers de tournage qui rassemble tous les corps de métiers. C’est important d’exister.

Pour ce qui est de créer une association de fabricants... (silence). Le problème, c’est qu’il faut faire une distinction entre ce qui est fabriqué en France et vendu en France.

En France il y a Angénieux, Aaton Transvideo, DMG même si c’est plus américain. En caméra il n’y a personne...

On avait monté avec Angénieux et Aaton Transvideo qui fabriquent en France, une asso pour participer aux salons ensemble mais on n’est pas des entreprises de la même taille. On n’a pas les mêmes problématiques. Et puis je n’ai pas envie d’avoir d’obligation au sein d’une association.

J’ai monté un groupe de réflexion. L’AFSI* vient de rejoindre ce groupe, ainsi que Tapages pour le son. L’association des régisseurs vient de rentrer aussi. Beaucoup de gens sont enthousiastes!

Le problème c’est que certains ont peur des représailles, ils ne veulent pas être cité, ou bien dire à quel organisme ils appartiennent. Ils ne peuvent donc pas, diplomatiquement, figurer officiellement dans cette liste, et quand ils m'exposent leurs raisons, je les comprends.

Ce groupe de réflexion existe pour que chacun réfléchisse à certaines questions, soit porteur d’idées, de solutions.

C.T.O.P. I interview Marc Galerne I 9

 *AFSI : Association Française du Son à l’Image, www.afsi.eu

Copyright photo @ Marc Galerne

 

 10. Et quelle est ta ligne de réflexion principale? Marc

Il y a surtout une mauvaise définition de nos métiers. J’ai dit à une chef op’ hier matin encore, explique ton métier ! Quel est l’intérêt d’après toi de te battre pour une belle lumière, une belle image? L’intérêt pour toi d’avoir un cadre précis, l’intérêt de bouger la caméra dans ton décor?

C’est vraiment la première question qu’il faut se poser. Car la problématique majeure c’est vraiment la méconnaissance de la part de certains producteurs, directeurs de productions et parfois même des réalisateurs de la partie technique.

D’un point de vue générale en fiction ou pub, on travaille trop dans la précipitation et du coup dans l’improvisation. C’est bien quand c’est un peintre ou un sculpteur mais pas quand 70 personnes attendent une réponse. Aujourd’hui, ça part dans tous les sens. Le steadicam est actuellement aimé pour ça. C’est plus rapide que de bouger un pied, plus facile d’éclairer une scène en extrêmement doux et diffus et de tourner dedans que de placer des comédiens avec des axes. Et du coup, on se retrouve avec des images qui sont toutes les mêmes parce qu’on donne la priorité à la rapidité d’exécution. En résumé, il y a d’un côté le créateur et le financier, et de l’autre côté ceux qui font chier ! Il y a cette opposition qui est arrivée toute seule par faute de connaissance à mon avis. Car d’un côté, il y a des gens qui ne comprennent pas les demandes des autres et qui du même coup s’en méfient. Ca n’est quand même pas normal que certains chef op et certains chef électro fassent des listes doublées car ils savent qu’en présentant leur liste on va la couper en deux !

Je ne sais pas si les prods s’en doutent mais je sais que c’est ce qui se pratique en fiction.

Réponse C.T.O.P.

En publicité les listes sont rarement coupées. On n’a plus le temps de les discuter. Donc on les prend souvent telles quelles. Car il faut savoir que la problématique majeure dans le secteur de la pub reste l’urgence de nos temps de préparation. Le réal bien souvent étranger arrive au dernier moment, du coup les repérages techniques se font souvent l’avant veille du tournage, les loueurs qui ont déjà réservé tout le matos prêt à être livré ne peuvent plus rien modifier donc même si on a besoin de moins, et bien tout y est. Et le directeur de production est soumis à toutes ces contraintes, et je ne te parle même pas de la complexité en terme de délai pour les autorisations de tournages si jamais on décide d’apporter une grue en dernière minute par exemple. Il n’a pas le temps dans la plupart des cas, de discuter quoique ce soit avec qui que ce soit. Donc les listes données par le chef op, le chef electro, le chef machino sont le matériel qui sera dans les camions.

C.T.O.P. I interview Marc Galerne I 10

 Copyright photo @ Marc Galerne


 ...

Marc

Actuellement l’un des fléaux de la pub, c’est qu’il y a eu tellement d’argent à une époque, où rien n’était impossible, on était tellement dans les solutions délirantes, que les gens ont du mal à revenir à une certaine économie de moyens, qui soit cohérente avec l’économie financière qu’on nous impose. Beaucoup de productions et de réalisateurs restent sur les envie d’avant, alors qu’aujourd’hui on a un tiers des moyens qu’on avait auparavant.

Je dis donc aux loueurs et aux producteurs qu’ils faut apprendre à dire « non ». On n’est pas en train de sauver des vies ! Si on n’a pas l’argent pour faire la pub que le client et l’agence nous demandent, il ne faut pas se mettre en danger financièrement. Il faut laisser tomber les mauvaises habitudes.

Et puis c’est de l’observation personnelle par corps de métier : où sont les plus grosses dépenses inutiles de chacun, dans notre département, à notre niveau qu’est-ce que vous pourriez faire pour diminuer ne serait-ce qu’un peu les coûts? Qu’est-ce qui vous choque? Quelles sont vos solutions à ces problèmes?

On ne défend pas assez nos métiers, car une fois encore on n’est pas assez rassemblé.

La démarche que vous avez au sein de C.T.O.P. est vraiment bien. Réunir les techniciens et ouvriers quels que soient les départements est une bonne démarche mais vous devriez rassembler les prestataires et les fournisseurs avec vous !

C.T.O.P. I interview Marc Galerne I 11

 Réponse C.T.O.P.

Quand on a créé l’association, on a discuté ce point. On a aimé le terme de « collectif » pour toutes les perspectives auxquelles on pensait pour l’avenir de l’association. Mais dans un premier temps, on ne souhaitait pas s’engager avec des fournisseurs ou prestataires pour ne pas favoriser commercialement les uns ou les autres. On voulait rester neutre, ne pas désavantager une société qui ne serait pas adhérente dans l’association.

L’heure étant à l’urgence, notre objectif actuel est de soutenir les techniciens et ouvriers, ce qui représente déjà une masse colossale de travail. Il y a des intermittents, des personnes sur facture, des salariés aux productions... chacun a ses problématiques. Mais on ne ferme pas la porte à cette idée, on en discute régulièrement.

Si nous t’interviewons Marc, c’est que tu nous a alerté par ce que tu écrivais. Et nous avons tout comme toi la conviction que c’est avec de l’empathie, dans l’échange et la communication qu’on pourra mieux aborder certains sujet, mieux désamorcer des conflits, et rapidement abandonner de mauvaises habitudes. Le but étant de toujours de mieux travailler tous ensemble. Et la pérennité de nos métiers ou entreprises comme la tienne.

L’intérêt d’asso interprofessionnelle est qu’elle nous pousse à des réflexions croisées qui peuvent nous amener à solutions viables.


  Copyright photo @ Marc Galerne

C.T.O.P. I interview Marc Galerne I 12 11. Aujourd’hui, on parle de re-localisation dans le secteur des films publicitaires pour lequel presque 70% des budgets partent à l’étranger. Nous essayons de mettre en place un crédit d’impôt pour la pub comme l’ont fait les secteurs du

cinéma et de l’audiovisuel. Quelle est ta position sur cette question ?

C’est difficile pour moi de me positionner sur ce point. Je fais 70% de mon chiffre à l’étranger. Maintenant, quand je discute avec les uns et les autres, ce que je ne trouve pas normal c’est que des marques ou des productions puissent récupérer des aides lorsqu’ils vont tourner ailleurs. Il faudrait au contraire que l’état leur en prenne de l’argent quand ils tournent à l’étranger. Rentrer déjà dans cette logique permettrait de réduire l’exportation des films en général.

Lorsqu’un film part dans un autre pays pour tourner une rue de Paris ou de province française, c’est un choix économique. On sait tous que ce n’est pas à cause du coût de la location du matériel que les films partent mais à cause des cotisations sociales trop élevées en France. Réduire cette ligne permettrait certainement de pouvoir réduire le nombre de pub tournées à l’étranger. Il faudrait surtout exonérer quelques charges pour que la France devienne plus compétitive !

Evidemment, si d’une manière ou d’une autre on re-localise aussi la pub, plus il y aura de tournages, plus notre matériel sortira! Plus les étagères sont vides, plus les loueurs achèteront! C’est dans ces moments là qu’ils investissent justement. Si on inversait déjà un peu la tendance en se disant que 70% des budgets sont dépensés en France, ce serait formidable.

En Angleterre, ils ont su obtenir des aides en montrant qu’une Livre Sterling dépensée pour un tournage rapportait en direct ou en indirect 13 Livres ! C’est donc un très très bon placement. Et du coup, ce n’est pas que sur l’industrie cinématographique que ça se répercute. La Warner reconstruit 7 plateaux actuellement par exemple. Et Pinewood aussi !

Espérons que ça va revenir !

Il faut vraiment garder votre volonté d’agir sur ce point.


 12. Quels sont les perspectives pour cette fin d’année et 2021 ? Et quel est ton message de fin pour C.T.O.P.?

Les perspectives? Je n’en ai aucune idée. Aujourd’hui je navigue à vue. Je suis dans le brouillard. Tellement de choses bougent tous les jours Soit on se libère de cette pandémie et d’ici janvier on relance les tournages. Soit cela continue et cela deviendra chaotique. On va survivre. Des épisodes comme ce couvre-feu ou ce re-confinement, je ne sais pas ce que ça peut donner mais ça ne me semble pas très bon pour les tournages, pour l’hôtellerie. Et vraiment est-ce que ça suffit pour stopper cette pandémie ?

Je pense que ça pourrait reprendre le 2ème semestre 2021. D’ici là, on est tous en train d‘accepter le fait qu’il va falloir courber l’échine. On réduit la voilure sur les charges en espérant que ça puisse nous porter jusqu’au 2eme semestre 2021 !

Je vous demande de vous battre pour vos métiers, vos outils, vos équipes.

Je demande aux techniciens et ouvriers que, lorsque vous demandez un appareil spécifique, vous n’acceptiez pas qu’on vous donne autre chose, et de savoir l’argumenter. Plus vous allez vous battre en tant que chef opérateur ou en tant que chef électricien, plus vous serez respecté et écouté.

C.T.O.P. I interview Marc Galerne I 13

Comme je le dis à l’AFC aux chefs opérateurs, les techniciens et ouvriers doivent être solidaires les uns envers les autres, partager entre eux les plans pourris qu’on leur propose pour qu’il ne soit pas acceptés, communiquer entre eux immédiatement pour couper court à la malhonnêteté. Et ne pas avoir peur des représailles.

Moi des représailles j’en aurais jamais car les producteurs ne me connaissent pas. Et quand ils me connaissent ils pensent que je suis une boîte américaine. Et puis les loueurs ça fait 30 ans que je les pratique. Ils me connaissent.

C.T.O.P. est dans la boucle des emails que j’envoie pour ce groupe de réflexion. Ce que je fais, c’est lancer des pistes de solutions par le biais de questions.

Virginie Lempereur pour C.T.O.P.

 

  De: Marc Galerne marc@k5600.eu

C.T.O.P. I

annexe

I 14

Objet:

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la lettre de l'AFC

Date: 10 novembre 2020 à 11:51

À: Virginie Lempereur virginie.lempereur@gmail.com

Lettre de Marc Galerne envoyée à la sortie du confinement

Voic le premier mail.

De : Marc Galerne [mailto:marc@k5600.eu] Envoyé : mercredi 10 juin 2020 11:23

À : 'Marc Galerne' <marc@k5600.eu>

Objet : ArCcle dans la leEre de l'AFC

Bonjour,

Vous ne me connaissez sans doute pas et, à moins d’être dans l’équipe Image ou électro des tournages, il y a peu de chance pour que l’on se soit même croisé. Nous sommes fabricant de projecteurs d’éclairage pour la prise de vue. Nous existons depuis 1992 et avons depuis cette période mis sur le marché de nombreux appareils dont les plus connus sont les Jokers. Nous sommes restés petits, à dimension humaine parce que nous aimons notre métier et nous considérons davantage comme des artisans. La première partie de ce texte est typiquement le reflet de la situation que nous vivons de par notre position de dernier maillon d’une chaine dont nous faisons tous partis. Nous subissons plus que nous agissons car nous sommes dépendants des tractations qui se font entre productions et prestataires.

J’ai écrit ce texte qui parait sur le site et dans le Lettre de l’AFC avec l’intention de le partager avec toutes les associations du métier.

Coup d’épée dans l’eau ? Peut-être mais la situation que nous vivons tous ne va faire qu’empirer dans les jours et les mois à venir et il est important d’y réfléchir.

Je n’ai pas d’ambition politique mais simplement l’envie de partager une réflexion afin de voir s’il y a d’autres personnes qui refusent la fatalité.

Bien cordialement,

Marc Galerne K5600 Lighting

La Fatalité existe-t-elle vraiment ?

S’il y a un sentiment qui caractérise cette pandémie, c’est bien l’impuissance. La nôtre, en tant qu’individus, face à une situation unique, et celle des politiciens, des scientifiques et d’une façon générale de ceux dont nous dépendons. Ce sentiment d’impuissance a pourtant un goût de déjà-vu.

En tout cas, nous, les fabricants mais aussi les distributeurs d’appareils indispensables aux tournages, assistons, impuissants, à cette dégradation du marché avec des marges de plus en plus basses qui impactent nos possibilités d’investir dans du stock, d’innover et donc de faire notre métier comme nous devrions le faire. Impuissants car le manque d’investissement et de renouvellement de matériel chez les prestataires est le résultat de deals commerciaux bien en dessous de la normale avec les productions. Alors que le CA des studios et prestataires de tournage a augmenté de 18 % entre 2009 et 2018, celui des fournisseurs de matériel a baissé de 83 % (chiffres CNC, page 210 du Bilan du CNC 2019). Selon La FICAM, les investissements des industries techniques a baissé de

23,5 % entre 2008 et 2018. Ceci explique cela.

Selon le CNC (page 101), la part du budget de film alloué aux moyens techniques a chuté de 15,5 % si l’on fait la moyenne de 2010 à 2018 (soit 109,8 M€) par rapport à 2019 (92,7 M€). En fait, nous aurions dû avoir un phénomène inverse : l’obsolescence de

plus en plus rapide des caméras numériques et maintenant l’avènement de l’éclairage électronique (qui devient de plus en plus sophistiqué) auraient dû justifier, vis-à-vis des productions, des augmentations progressives et régulières. Pour information, le poste interprétation a augmenté de 2,5 %.

Mais le problème est que les producteurs savent bien mettre en avant leurs problèmes et faire jouer une mise en concurrence malsaine et, pour cela, tous les prétextes sont bons : l’année des présidentielles, la guerre en Irak, le 11 septembre, les grèves, l’arrêt de la pub sur les chaînes publiques... A ne pas douter que la crise sanitaire va être redoutable pour les négociations avec les loueurs mais aussi avec les équipes. Mais ne sommes-nous pas tous impactés ? Sont-ils les seuls à subir cette crise ?

Il est vrai que certains de ces événements peuvent avoir des répercussions sur l’activité mais pour autant, produisons-nous moins ? Y a-t-il moins de producteurs ? Si le filon est si mauvais, pourquoi est-il en expansion ? Pourquoi y a-t-il cinq syndicats de producteurs ? Y a-t-il un syndicat des industries techniques ? Il y a bien deux syndicats de techniciens et ouvriers de l’audiovisuel émanant des syndicats politiques nationaux qui défendent les salaires et les conditions de travail mais ne faut-il pas défendre aussi le droit au choix artistique, le choix de son équipe, de son matériel sans contraintes ou pressions.

Ne serait-il pas temps de s’unir, prestataires, fournisseurs mais aussi personnel de tournage (déco, image, son, régie, postprod...) sous la forme d’un Syndicat ? Un syndicat apolitique qui se bat pour la défense des industries et personnels de l’audiovisuel afin que l’on retrouve un peu de dignité et pour protéger un métier qui se fait par passion. Pourquoi un syndicat ? Apparemment, les associations et les fédérations n’ont pas assez de poids sinon cette baisse de plus de 15 % et ce courrier n’aurait aucune raison d’être. Ces cinq syndicats de producteurs face à une dizaine d’associations et deux syndicats qui ne parlent pas d’une même voix, n’entendent pas les arguments, quand ils ne tentent pas de diviser. Il y a eu beaucoup de recommandations sanitaires différentes concernant le Covid. Une seule recommandation validée, argumentée et présentée par un seul syndicat aurait eu un effet plus immédiat étant fait par ceux qui vivent les tournages. Le débat sur la décontamination du matériel aurait été plus rapide si tous les loueurs, utilisateurs et fabricants s’étaient mis autour d’une table avec un ou deux experts médicaux.

Il ne s’agit pas d’être dans la confrontation mais dans le dialogue pour défendre notre envie de bien faire nos métiers dans de bonnes conditions. Il faut se faire entendre par les syndicats de producteurs et le CNC. Les premiers pour améliorer la situation pour un retour à une économie globale saine, le deuxième pour faire respecter, contrôler.

Il faut faire comprendre aux producteurs qu’une semaine de préparation supplémentaire peut faire économiser bien davantage que cela ne coûte. Défendre le fait qu’un plan de travail et une rigueur de la mise en scène sont sources d’économie. Et puisque les comédiens garantissent les entrées, qu’ils soient davantage à la commission qu’au fixe comme les commerciaux.

Il faut expliquer que les choix des appareils reviennent aux chefs de poste et leurs équipes et que le bon état du matériel évite des pertes de temps.

Il faut démontrer qu’une équipe heureuse travaille bien mieux et plus vite qu’une équipe déconsidérée. A force de tirer les prix vers le bas, les gens expérimentés qui peuvent prétendre à une reconnaissance de leur expérience (comme dans tous les métiers) quittent la profession, accentuant le manque de professionnalisme sur les tournages.

Il faut arrêter de considérer qu’il y a deux camps adverses qui s’affrontent mais des individus formant une équipe qui travaille à faire le meilleur projet qui soit.

Il faut rappeler qu’un budget de film, c’est comme le business plan d’une nouvelle entreprise, il doit être viable et chaque poste doit être réaliste. C’est du bon sens. Essayez de trouver un financement auprès d’une banque avec un business plan fantaisiste ?

 

 ANNEXE

Lettre de Marc Galerne envoyée à la sortie du confinement

Pourquoi ce qui vaut pour l’industrie ne s’applique pas à la production de fictions ? Cette perte de 15 % du poste technique vient du fait que personne ne souhaite être en conflit avec son client ou son employeur sous peine, avouons-le, d’être mis à l’écart du prochain projet.

Aujourd’hui, je n’ai pas peur des représailles car, si rien ne change, ma société n’existera plus d’ici un an et je pense que nous ne sommes pas les seuls. Que se passera-t-il quand il ne restera que des fabricants industriels puissants et qu’il n’y aura plus de choix de fournisseurs ou d’appareils ?

Petite information de dernière minute. Ce matin, nous avons eu un appel d’un loueur qui nous demandait si nous pouvions louer deux Jokers LED pour un tournage de

4 semaines. Nous avons dit que nous n’étions pas loueur et qu’il pourrait peut-être envisager d’acheter les deux appareils, après insistance, nous avons fait un devis. La réponse fut que la production n’avait pas le budget car les mesures sanitaires leur coûtaient 30 000 €. Et combien cette pandémie a-t-elle coûté à ce loueur ? Nous, je sais, c’est plus de 700 000 € de chiffre d’affaire que nous ne rattraperons pas. Les bonnes habitudes ont déjà repris.

Bon courage et bonne chance à tous.

Marc Galerne

K5600 Lighting Europe

475 rue de Flins

78410 Bouafle, FRANCE Tel: +33. (0)1.30.90.56.00

C.T.O.P. I

annexe

I 15

   

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C.T.O.P. I

annexe

I 16

 

Interview de Michel Gomez

 C.T.O.P. I

décembre 2020

  Michel Gomez


 pour que nos tournages à Paris existent...

Michel Gomez Délégué général de la Mission Cinéma Paris

Ala sortie du confinement, les

producteurs et techniciens des films publicitaires et de la fiction ont eu une chance immense : les tournages restent possibles. Michel Gomez, délégué général de la Mission Cinéma Paris nous raconte leur combat quotidien pour que nos tournages de films continuent d’exister même sur la voie publique parisienne.

Où en est la Mission Cinéma sur la poursuite de nos tournages à Paris en pleine pandémie?

Quel devenir pour nos tournages à Paris dans les années à venir?

C.T.O.P., le Collectif des Techniciens et des Ouvriers de la Publicité a souhaité l’interviewer.

  Copyright photo @ Mission Cinema Copyright photo @ Marc Galerne


 C.T.O.P. I interview Michel Gomez I 3 1. Michel Gomez, pourriez-vous vous présenter aux adhérents de C.T.O.P. et

nous présenter la Mission Cinéma de la ville de Paris ?

La Mission Cinéma de la mairie de Paris est le point d’entrée unique de tous les sujets cinématographiques et audiovisuels à Paris. C’est-à-dire que quelque soit la question qu’on pose, que ce soit une question concernant un tournage, des questions concernant les salles de cinéma, concernant des festivals de cinéma, des manifestations diverses allant de l’éducation à l’image ou des expositions, des événements cinématographiques, publicitaires et audiovisuels, quelque soit le sujet cinéma, publicité ou audiovisuel, ils arrivent chez nous.

On est donc le point d’entrée unique.

Nos principales activités sont en fait sont assez simples: il y a l’accueil des tournage dont on va parler tout à l’heure, il y a le soutien à l’accompagnement des salles de cinéma, il y a ce qu’on appelle traditionnellement dans les collectivités locales l’action culturelle, c’est à dire l’éducation à l’image, il y a le soutien à des manifestations, on a un fond d’aide au court- métrage et aux nouveaux médias. Ce sont tous ces dispositifs, l’action culturelle.

Et enfin, on a un quatrième volet qui est l’accompagnement d’une institution qui a été initiée par la ville, le Forum des images.

Voilà en gros nos quatre piliers.

On a l’avantage d’être une toute petite équipe puisque pour l’ensemble de ces missions y compris pour les tournages qui représentent un volume d’activité important, on est en tout 15 dont 10 personnes qui s’occupent exclusivement des tournages.

  Copyright photo @ Mission Cinema

Et donc moi j’en suis le délégué général depuis maintenant 11 ans !


  2. Quelle est la proportion en jours de tournage des films publicitaires par rapport aux autres projets, de fiction, que ce soit de la série, du téléfilm ou du long métrage?

Alors nous on s’occupe à la fois des shooting photo publicitaires et des films publicitaires. Les shooting photo sont en effet importants.

Vous avez raison, on ne résonne qu’en quantité de jours de tournages. C’est vrai que c’est pas forcément favorable à la pub car la pub peut être très intense sur de courtes durées, mais pour autant elle va mobiliser des équipes importantes.

Sur l’année 2019, qui était une année exceptionnelle (d’ailleurs je suis pas sûr qu’on la retrouve dans les années à venir), on a eu près de 5500 jours de tournage à Paris ce qui fait près de 20 tournages par jour à Paris, week-end et jours fériés compris ! Ce qui fait qu’il y a des jours où il y a plus de 30 tournages à Paris.

Et dans ce lot là, la pub représente entre 15 et 20 % de l’activité.

C’est beaucoup. La pub est donc une activité importante !

Copyright photo @ Mission Cinema

3. Y a-t-il beaucoup de tournage de pub de prod étrangères qui viennent tourner à Paris ?

Je n’en ai aucune idée. J’ai dû avoir deux ou trois cas de figures de marques étrangères venues tourner à Paris il y a quelques années, mais nous, nous sommes en bout de chaîne et on ne sait pas qui commande. On voit juste le nom des marques sur les dépôts de dossiers.

La plus grande dominante en films publicitaires, faut pas se le cacher, c’est le luxe sous toutes ses variantes, la haute couture française, l’automobile, certaines marques ont même pris Paris comme emblème. Ce sont les deux grands secteurs commanditaires de films avec pour décor Paris.

Les productions étrangères qui viennent tourner de la pub chez nous, ça reste très marginal.

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 4. Durant le 1er confinement, puis le couvre-feu et le second confinement, les demandes d’autorisations de tournage de films de pub continuent-elles d’arriver chez vous?

Je voudrais rappeler ce qu’il s’est passé, parce que je suis pas sûr que tout le monde mesure ce qu’il s’est passé à Paris pour les tournages dès la sortie du 1er confinement,

A Paris, on a repris les tournages le 11 mai 2020 !!! Le jour du déconfinement, on a rouvert la porte aux tournages et depuis il n’y a eu aucun arrêt d’activité des tournages et aucune restriction pour les équipes. Même si dans un premier temps, on avait mis quelques restrictions qui étaient la taille des équipes et l’interdiction d’installer des barnums.

On est ensuite passé entre les mailles du couvre-feu puis entre les mailles du nouveau confinement ! Bon sans trop exagérer, le temps que les équipes se remettent en place et qu’on puisse se préparer à tourner, les tournages de pub sont repartis vers la fin du mois de mai. Le temps que la plupart des films se préparent, il y a eu une montée en puissance à partir de début juin, puis juillet et août. Et depuis le 1er septembre, c’est le capharnaüm ! Septembre, octobre, et novembre ont été en terme d’activité environ 20 % supérieurs aux plus grosses périodes qu’on avait vécu tous secteurs confondus, donc cinéma, télé et pubs.

Je pense que tout le monde a voulu rattraper ce qui n’avait pas pu être tourné avant le confinement.

Alors on a eu effectivement des périodes très très intenses de tournages.

Là on est début décembre, on connaît le pente de fin d’année puis de janvier et février où on va arriver sur un plateau un peu bas. Mais quand même, on a de l’activité... on n’est pas à zéro activité.

C.T.O.P. I interview Michel Gomez I 5

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 5. Remarquez-vous une différence dans l’attitude des régisseurs du secteur publicitaire lors des demandes d’autorisation de tournage, avec ceux du cinéma ou de l’audiovisuel?

Ah bah oui c’est clair ! Les régisseurs de la pub vivent l’horreur des délais ! Au cinéma, les équipes préparent leur tournage très en amont et peuvent parfois venir nous voir même six mois avant lorsqu’il y a des séquences complexes. Donc on a le temps de régler tous les problèmes et on a le temps d’anticiper.

Dans le domaine de la pub, les régisseurs sont soumis à une telle pression en terme de délais que c’est très compliqué. C’est un problème grave auquel on est confronté. Vue la complexité parisienne qui fait qu’on a de plus en plus de tournages et de moins en moins de place, cela peut avoir des conséquences importantes pour la pub. Les gens doivent s’organiser un peu différemment, non pas pour que tout soit prêt six mois avant, mais pour ne pas avoir des demandes qui arrivent cinq jours avant le 1er jour de tournage.

Un tournage qui doit avoir lieu à Paris doit être envisagé très en amont. Il est donc nécessaire qu’on reçoive un signalement de ce tournage ainsi que les différentes hypothèses sur lesquels l’équipe travaille bien en amont du tournage.

Mais pour ça, il faut que l’ensemble de la chaîne publicitaire, les annonceurs, les agences et les producteurs comprennent que s’ils ne se décident pas un peu plus en amont, ils n’arriveront plus à tourner à Paris.

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 6. Le secteur du film publicitaire a des contraintes qui lui sont propres (principalement l’urgence et la rapidité des tournages) et dont la production n’a pas toujours le contrôle (décisionnaires multiples parfois aux quatre coins du monde, validation tardive des dates et lieux de tournage par l’agence et l’annonceur, nécessité de ne voir aucune marque à l’écran etc...).

Pourtant notre secteur est soumis aux mêmes délais que la fiction, à savoir que les démarches administratives demandent 10 jours pour l’obtention d’une autorisation de tourner dans un décor parisien. L’accumulation de toutes ces spécificités de la publicité fait parfois qu’un film peut se tourner en dehors de la France.

Pensez-vous qu’il soit possible, selon l’ampleur du projet, de négocier une réduction de délais? On sait que vous le faites souvent, mais pour quelles raisons pourriez-vous ne pas le faire ?

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Notre métier est de rendre les choses possibles.

Sauf qu’il y a des tournages qui sont plus ou moins complexes. On n’est pas tout seul à appuyer sur le bouton « tournage » ! Il faut qu’on vérifie des sujets de voirie, on a parfois des sujets qui concernent la préfecture de police etc... on n’est pas seul au monde. On peut faire très vite, pour un tournage simple qui se tourne dans un décor simple où il y a juste des questions de stationnement par exemple, mais il y a des tournages complexes qui nous demandent du temps administratif. Lorsqu’on nous dit, « oui mais la dernière fois vous m’aviez régler le problème en cinq jours », il faut que tout le monde se mette dans la tête que chaque film est un cas

particulier !

En plus, je pense qu’économiquement c’est un bon choix

que d’investir de l’argent dans la préparation. Ca ne veut pas dire que tout soit calé dix jours avant ! Mais 10 jours avant le tournage d’un film publicitaire, moi je le sais, les décors sont sur la table, on les connaît. Il y a peut-être des derniers arbitrages à venir mais on peut, dix jours avant, commencer à travailler sur un dossier.

On peut bien évidemment aller plus vite quand c’est possible. D’un point de vue administratif, on est quand même les plus souples du monde !

 

 7. Avez-vous constaté une différence conséquente dans le nombre de journées de tournage d’un film de fiction à Paris depuis qu’un crédit d’impôt a été mis en place par notre gouvernement ?

Ce crédit d’impôt date du début des années 2010 et s’est petit à petit amélioré. C’est un processus qui a été long à mettre en place et qui s’est amélioré au fil du temps. C’est clair qu’en matière cinématographique et audiovisuelle, il s’est passé deux choses très fortes !

La première, est qu’on voit aujourd’hui des films d’époque se tourner à Paris. C’est très spectaculaire ! Un film comme celui de Polanski sur l’affaire Dreyfus, il y a 10 ans, il aurait été entièrement tourné dans un pays de l’Est. Alors qu’aujourd’hui il est entièrement tourné à Paris. « Les Couleurs de l’Incendie » par exemple est tourné en France aujourd’hui alors qu’il y a 10 ans il aurait été tourné ailleurs. Il y a aussi CanalPlus qui a fait une série TV d’époque et aujourd’hui elle est tournée entièrement en France.

Donc le premier phénomène est que des productions françaises ne partent pas à l’étranger. On les garde sur le territoire ce qui est extrêmement important puisque ce sont toujours des films à gros budgets avec beaucoup d’emplois et le crédit impôt permet de corriger le différentiel de coût du travail.

Et puis deuxièmement, il y a bien évidemment une attractivité pour des films étrangers comme pour nos amis américains pour qui Paris est un choix artistique.

Ce qui est sûr, c’est que le crédit d’impôt en matière cinématographique et audiovisuel est efficace. C’est absolument indiscutable.

D’ailleurs tous les rapports qui ont été faits par l’Assemblée Nationale le confirment. Et c’est ce qui a permis à la profession d’améliorer petit à petit le crédit d’impôt.

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 8. Les producteurs et les techniciens du secteur publicitaire entreprennent des démarches auprès du gouvernement visant à relocaliser nos tournages en France sous la forme d’un crédit d’impôt. Si cela aboutissait, on peut imaginer facilement un embouteillage dans les demandes de tournages et les possibilités de tourner dans Paris. Quelle est la position de la Mission Cinéma ?

Ce n’est pas moi qui définit la politique cinématographique et audiovisuel. J’ai cette chance car ces temps ci ça doit être compliqué ! Je peux vous parler juste des conséquences.

Toute disposition qui vient améliorer l’attractivité parisienne et plus largement française (car Paris est un révélateur de ce qui se passe ailleurs en France), est une bonne chose. Pour l’emploi, pour les industries techniques.

Après, est-ce qu’il y a un risque de trop-plein? Je suis pas sûre... quand il y a un trop plein, la profession est capable de s’adapter. Quand on vient tourner à Paris, il faut qu’on trouve peut-être des studios un peu plus performants, et on peut tout à fait imaginer qu’un accroissement de l’activité publicitaire soit très structurant pour ces activités à venir !

Donc je n’ai pas peur du trop-plein... il vaut mieux de manière générale gérer le trop-plein que la rareté !

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 9. Etes-vous en contact avec les bureaux de nos régions en France? Est-ce que vous communiquez entre vous sur les choix politiques, les divers confinements successifs qui ont été mis en place ou est-ce que chaque bureau est indépendant?

Paris est un peu particulier effectivement en la matière. Au sujet du confinement, on a agi en relation avec les pouvoirs publics, que ce soit le CNC ou le Ministère de la Culture, on a joué un peu le rôle de tête de pont et de tête chercheuse. Donc c’est nous qui avons, avec les services de la préfecture de police, établi les conditions de la sortie du confinement au mois d’avril dernier. On a préparé tout ça de manière à être prêt. Et effectivement, ensuite l’information c’est diffusée auprès de toutes les commissions régionales de France.

Nous, les seuls contacts qu’on a régulièrement, c’est avec la commission régionale Île-de-France. Puisqu’on est en Île-de-France, ce sont nos partenaires. Après les autres commissions, on a aucune relation particulière avec eux. On est dans des problématiques très différentes, la volumétrie qu’on doit gérer ici à Paris est tellement particulière qu’on doit gérer des questions très spécifiques. Mais, effectivement, lorsqu’on peut jouer un rôle qui va permettre à toutes les autres commissions de France d’avancer, on le fait. On m’a appelé par exemple pour savoir comment on avait établi cette jurisprudence comme quoi les activités de tournage sont des activités professionnelles et dérogent donc aux règles de rassemblement... c’est tout ça qu’on a établi et qui a servi à tout le monde après.

Le fait de pouvoir continuer à tourner à Paris c’est un vrai enjeu ! 90% des techniciens habitent et vivent à Paris et en Ile de France. L’enjeu est énorme !

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 10. Quelles sont les prochaines évolutions envisagées par la Mission Cinéma et qui auraient un impact sur l’organisation des tournages à Paris ?

Alors, on a deux énormes enjeux sur lesquels on commence à travailler. On n’a pas voulu trop les ouvrir ou réouvrir pendant la période de confinement et de déconfinement parce que les productions avaient déjà suffisamment de sujets à gérer.

Alors, le premier sujet, même si le second sujet y est relié, est extrêmement complexe. C’est la raréfaction à venir de l’espace public à Paris pour les tournages. Si vous additionnez le phénomène d’expansion des terrasses de café, le développement des pistes cyclades, la fermeture de certaines rues à la circulation, la volonté et la décision de la ville de Paris de supprimer 60 000 places de stationnements à Paris dans les années à venir, il y a un moment où l’espace public va devenir très rare pour y tourner et pour y stationner des camions techniques. Donc il faut se préparer à ça !

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Il faut commencer à regarder comment on peut tourner un peu moins lourd, comment on peut créer des camps de base, comment on peut faire de la livraison de matériel et pas du stationnement permanent de camions, comment on peut dans certains quartiers, et d’ailleurs on le fait déjà, interdire les loges et développer des accords avec des hôtels ou autres pour y installer les loges etc... il y a toute une nouvelle ingénierie du tournage qui doit se préparer, et celle-là elle n’est pas bonne pour vous parce qu’elle demande du temps ! Du coup, ça veut dire qu’on arrête le coup de la caravane qui passe, où on débarque avec ses 40 camions, où on sait que quoi qu’il arrive on pourra les garer. Non, dans l’avenir, et ça a déjà commencé, il y aura des quartiers où on ne pourra plus les garer. Donc, ça c’est le premier sujet qui se fait petit à petit en relation avec les directeurs de production et les régisseurs. On va être amené à travailler avec l’ensemble des organisations professionnelles et bien évidemment chez CTOP vous serez conviés parce que c’est un vrai sujet qui vous concerne. Il ne faut pas se cacher que c’est quelque chose qui peut avoir des conséquences financières sur les coûts du tournage à Paris.

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 Le deuxième sujet, encore plus complexe, c’est la transition écologique des tournages. Elle est déjà en cours, il y a plein de choses qui se font. Il y a des bonnes pratiques qui commencent à s’installer sur des sujets simples, comme sur le problème du tri, du recyclage, des choses comme ça. Mais on va avoir des étapes plus complexes à mettre en place.

C.T.O.P. I interview Michel Gomez I 12

On est très dépendant des évolutions industrielles en la matière. On ne pourra demander des camions hydrogènes que lorsqu’ils existeront, et qu’ils seront à des coûts normaux. On a le problème des groupes électrogènes, même si on a déjà à supprimé les groupes de moins de 10k à Paris, trop bruyants et polluants.

Il y a des étapes à franchir, des solutions qui existent. L’idée est de faire ça en relation avec la profession.

Ca ne sert à rien qu’on décide de choses qui sont impossibles et qui seraient économiquement non réalisables. Donc on souhaite pouvoir installer cette transition en relation avec la profession. Ill y a des enjeux forts à venir vous savez ! Je vous rappelle qu’en 2024, il n’y aura plus de véhicules ni camion Diesel dans Paris ! Il y a de grosses villes en Europe, je pense Amsterdam, dans laquelle les gros véhicules, les semi-remorques et 40m3 sont interdits en centre-ville ! Il faut donc qu’on anticipe ça et qu’on s’y prépare.

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 Copyright photo @ Virginie Lempereur


 11- Quelle est votre position vis à vis de l’A.P.F.P. (L’alliance des producteurs de films publicitaires) ? Vous rencontrez-vous régulièrement ? Avez-vous des combats communs ?

On a des relations avec eux comme avec toutes les autres organisations de producteurs.

Lorsqu’effectivement on a commencé la réflexion sur les problèmes de raréfaction de l’espace public, j’ai réuni toutes les organisations de producteurs y compris les organisations de producteurs de films publicitaires. C’est une organisation professionnelle comme une autre. Il y a les producteurs de cinéma, les producteurs de l’audiovisuel et les producteurs de films publicitaires. Ils font partie de mon environnement habituel.

Et oui ils me sollicitent, me parlent souvent par exemple des délais de demandes d’autorisations de tournage ! Et ils reçoivent les mêmes réponses que celles que je vous ai données.

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C.T.O.P. I interview Michel Gomez I 13

  

 12 - Auriez-vous un message, des remarques à transmettre aux productions ou aux salariés de films publicitaires ? Un conseil à donner à CTOP?

Je dirais à tout l’amont de la chaîne : du temps de préparation c’est de l’argent gagné. J’en suis persuadé. Plus on prépare, moins ça coûte cher de tourner. Si on prépare tout au dernier moment, on va prendre 15 camions de matériel parce qu’on ne sait pas exactement de quel matériel on va avoir besoin, et ça c’est typique d’un tournage mal préparé... donc plus il y a de préparation, et plus il y a la garantie de pouvoir tourner. La raréfaction de l’espace public et le grand nombre de tournages à Paris fait qu’on prend le risque d’arriver sur un site déjà occupé. Il y a des sites très demandés ! Investir du temps en préparation, c’est gagner de l’argent.

Après, aux équipes, il y a parfois dans les équipes de pub, comme au cinéma et dans l’audiovisuel d’ailleurs, le côté enfant gâté, le côté « on est des créatifs alors on fait ce qu’on veut sur l’espace public »... et bah non. Il faut qu’ils mesurent bien à quel point ils sont, ils doivent être responsables, très exemplaires dans leurs relations avec les riverains, dans leurs relations avec les différentes autorités. Parce que quand ils font des conneries, c’est les autres équipes qui les payent pendant les mois à venir. Il y a souvent le côté un peu cacou dans les équipes artistiques qui considèrent que les contraintes qu’on leur impose ne sont pas pertinentes, et que, comme eux ils sont dans le monde de la création, ils ont tous les droits. C’est rare, mais ça arrive de temps en temps. Et à chaque fois que ça arrive, après on en paye le prix.

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Il y a des gens qui ne se rendent pas compte que tourner la nuit implique la plus grande discrétion.

 

 Les gens dorment ! Et bien il y en a qui ne savent pas que faire du bruit la nuit, ça ne se fait pas. Il y a des gens qui pensent que parce qu’ils sont en train de travailler dans la rue la nuit, ils font ce qu’ils veulent. Et bien non. C’est un problème d’éducation.

On ne peut pas interdir de tourner la nuit, mais on ne tourne pas la nuit n’importe comment.

Pour finir, les équipes techniques, elles sont très compétentes. On sait que les équipes françaises sont extrêmement productives, extrêmement efficaces. J’avais participé à une étude sur le sujet il y a quelques années, qui démontraient que les équipes françaises sont plus productives et moins nombreuses que les équipes d’autres pays, que les équipes anglaises en particulier. Mais pour autant, elles ont ce côté parfois un petit peu enfant gâté.

Merci à Michel Gomez.

Virginie Lempereur pour CTOP.

C.T.O.P. I interview Michel Gomez I 15

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 MISSION CINEMA I PARIS FILM I Site web

Le site de la Mission Cinéma : www.parisfilm.fr

« Des décors uniques et prestigieux, des talents nombreux et reconnus pour leur qualité et leur professionnalisme. Paris est le sujet où le

décor d’un très grand nombre de films, des grands classiques du cinéma aux créations les plus récentes.

Plus de 6 000 lieux servent de décors aux équipes de tournages. Paris Film a la volonté de faciliter l'accès de son patrimoine exceptionnel et vous accompagner dans vos tournages. »

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Anne de La Soudière, anne.delasoudiere@paris.fr Julien Duco, julien.duco@paris.fr

Valérie Duflou-Hamon, valerie.duflou-hamon@paris.fr Pascale Féréol-Jean, pascale.fereol-jean@paris.fr Hubert Sanchez, hubert.sanchez@paris.fr

Patrick Bron, patrick.bron@paris.fr

Thierry Augras, thierry.augras@paris.fr Stéphane Schmidt, stephane.schmidt@paris.fr

Secrétariat

Evelyne Gleizes, evelyne.gleizes@paris.fr Nadine Trouvé, nadine.trouve@paris.fr

Contact

Mairie de Paris 

Mission Cinéma – Paris Film 

55, rue des Francs Bourgeois 75004 Paris

tournages@paris.fr

C.T.O.P. I annexe 1 I 16

 Vos interlocuteurs à Paris Film :

Michel Gomez : Délégué de la Mission Cinéma, michel.gomez@paris.fr Gestionnaires ParisFilm

 • •

            

 ANNEXE

Courrier de Michel Gomez en date de fin novembre 2020

« Chers tous,

Après 6 mois d’intense activité l’équipe de Paris Film s’apprête à souffler un peu en cette fin d’année. Ci-après le dispositif mis en place afin d’assurer la continuité de notre activité fin décembre 2020 et début janvier 2021.

- Paris Film sera fermé du 21 au 25 décembre : aucun agent ne pourra traiter des demandes ou des modifications de dernière minute.

- L’Application AGATE sera fermée le lundi 14 décembre à 9h et rouvrira le lundi 28 décembre à 9h

Donc :

- Pour les tournages ayant lieu la semaine du 21 au 27 décembre, les demandes devront être déposées dans AGATE pendant la

semaine du 7 au 13 décembre, en respectant le délai habituel de deux semaines

- Pour les tournages prévus entre le 28 décembre et le 8 janvier 2021 inclus, les demandes devront être déposées au plus au plus tard le lundi 14 décembre à 9h

- Pour les tournages prévus la semaine du 11 janvier 2021, les demandes devront être déposées à partir du lundi 28 décembre, en respectant le délai de deux semaines.

Cordialement,

Michel Gomez Mission Cinéma »

C.T.O.P. I annexe 2 I 17

 

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Vous pouvez contacter notre trésorier qui vous indiquera la marche à suivre : tresorerie@assoctop.org

C.T.O.P. I

annexe 3

I 18

   

Interview de Yann Godin

 C.T.O.P. I janvier 2021 I

  Copyright dessin @ Max Magnan, story-boarder

Yann Gaudin


 Copyright photo @ Le Parisien

Rennes qui a dénoncé des « pratiques généralisées ayant porté préjudice à de très nombreuses personnes », a été licencié pour faute grave et insubordination, le 7 juillet dernier.

«On me reproche d’avoir fait mon travail, d’avoir porté assistance à des demandeurs d’emploi, notamment les intermittents qui sont une population précaire », a-t’il alors annoncé aux médias.

C.T.O.P. a souhaité le rencontrer et l’interviewer afin de mieux comprendre ce qui a pu semer le trouble au sein de Pôle Emploi.

Où en est Yann aujourd’hui?

lanceur d’alertes...

Yann Gaudin

 Ex-coL

nseiller à Pôle Emploi

e « lanceur d’alerte » de Pôle emploi à


 1- Bonjour Yann Gaudin, les intermittents suivent votre actualité de près. Vous êtes un peu perçu comme un rayon de soleil dans notre actualité si pesante, un regard "humain", loin des descriptions péjoratives auxquelles nous sommes souvent soumis dans les médias. 

Nous aimerions mieux vous connaître.

Quel est votre cursus professionnel, éventuellement votre formation? Pourriez- vous nous raconter comment vous en êtes venu à travailler à Pôle Emploi ?

Je suis de formation commerciale et j’ai travaillé quelques années dans ce domaine, j’y ai appris l’art de la parole ! Je gagnais bien ma vie mais en 2005, par choix éthique, j’ai décidé de changer de métier sans savoir vers quoi m’orienter... Et c’est ma conseillère ANPE qui m’a parlé du concours pour devenir moi- même conseiller ANPE. Je me suis passionné pour le métier à

mesure que je préparais le concours avec des internautes puis ma prise de poste le 1er février 2006 m’a sauvé in extremis de la fin de droits qui m’apparaissait comme un véritable précipice.

D’ailleurs lorsque j’avais terminé mon oral de concours quelques semaines plus tôt, le jury m’avait fait comprendre que je serai probablement lauréat et - en sortant de la pièce - j’avais fondu en larmes, à la fois parce que j’évitais de peu la très grande précarité et parce que je rêvais désormais d’exercer ce nouveau métier.

C.T.O.P. I interview Yann Gaudin I 3

  Copyright photo @ Marc Galerne


 C.T.O.P. I interview Yann Gaudin I 4

 2. Qu'est-ce qu'un chômeur pour vous? Et qu'est-ce qu'un intermittent du spectacle particulièrement?

En fait un chômeur ça n’existe pas : on est maçon sans activité ou boulanger sans activité ou chauffeur- livreur sans activité. Chômeur ça n’est pas un métier et ça n’est même pas un statut car, comme tout le monde le sait, beaucoup d’usagers de Pôle emploi travaillent un peu voire beaucoup sur un mois ou sur un autre. Le mot chômage vient du latin caumare qui désignait le repos des travailleurs en cas de fortes chaleurs, or l’absence d’activité rétributrice est évidemment plutôt une situation de fragilité que de confort, surtout lorsque ça dure de longs mois voire de longues années.

Quant aux intermittents du spectacle je me suis toujours gardé de les appeler « demandeurs d’emploi » comme les autres usagers. Au contraire, pour moi un professionnel du spectacle qui ouvre des droits à l’intermittence est un professionnel confirmé, en pleine activité tous les mois. D’ailleurs la plupart des intermittents eux-mêmes sont mal à l’aise avec le fait de rester inscrits à Pôle emploi et déclarer chaque mois être « toujours à la recherche d’un emploi ». Après - de la même manière que chômeur n’est pas un métier - intermittent du spectacle n’est pas un métier non plus, le métier c’est cadreur, monteur, comédien, éclairagiste, etc.

Copyright photo @ 20minutes

3. Quel a été la situation ou l'élément détonateur dans votre carrière qui vous a fait (ré)agir ?

J’ai toujours travaillé avec les mêmes valeurs d’honnêteté, de rigueur, de bienveillance et de dévouement. Donc lorsqu’en 2014 j’ai découvert une première anomalie de service - la privation faite aux intermittents du spectacle du bénéfice de l’aide de fin de droits - il était impossible pour moi de passer ça sous silence. A ce moment-là j’ai aussi commencé à me méfier de toutes les consignes hiérarchiques, ce qui m’a amené à découvrir d’autres anomalies et à essayer en vain qu’elles soient corrigées par ma direction.


 4. De quoi vous accuse-t'on exactement aujourd'hui?

J’ai été licencié au motif que j’avais rendu service, en toute transparence, à des usagers de toute la France qui m’avaient identifié suite à ma médiatisation et qui m’avaient contacté pour les aider à débloquer leur situation. La direction de Pôle emploi a

considéré que je n’avais pas le droit de rendre service à ces gens, alors qu’aucun texte en interne ne s’y oppose. Naturellement, la véritable motivation de ce licenciement est sans aucun doute liée aux révélations que j’ai faites.

5. Comment vous en êtes-vous retrouvé à venir en aide à autant de chômeurs en si peu de temps? Qu'est-ce que cela révèle selon vous?

Comme je vous l’indiquais, des gens qui n’arrivaient pas à obtenir gain de cause avec leur agence Pôle emploi m’ont identifié et ont vu en moi un espoir de résolution, ils ont eu bien raison puisque la plupart des dossiers

C.T.O.P. I interview Yann Gaudin I 5

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ont été débloqués. Je ne suis pas sûr que ce soit une grande révélation de constater que beaucoup d’usagers subissent des préjudices à cause de défaillances de Pôle emploi, tous les jours il y a beaucoup d’erreurs de dites et de faites partout en France, sans compter évidemment les pratiques frauduleuses que j’ai dévoilées. C’est à la direction de Pôle emploi de mettre en œuvre les

moyens nécessaires pour sécuriser les services rendus, mais on peut fortement douter de la volonté de mieux faire dès lors que des pratiques frauduleuses sont entretenues...


  Copyright photo @ L’Express Copyright photo @ L’Express

6. Est-ce qu'au niveau de Pôle Emploi, les intermittents du spectacle des annexes 8 et 10 sont répertoriés de la même manière que les chômeurs du régime général? Faisons-nous partie des pourcentages nationaux de chômeurs? Et quel pourcentage représentons-nous des chômeurs en général?

Oui les intermittents du spectacle sont bien comptabilisés dans les chiffres du chômage. Le nombre de professionnels du spectacle inscrits à Pôle emploi est d’environ 180 000, ce qui représente 2,6% des inscrits. Sur ces 180 000 personnes, un peu plus de 100 000 sont indemnisées en annexes VIII ou X.

7. Beaucoup d'intermittents se plaignent d'avoir plus de franchises prélevées que prévu, de recevoir 2-3 euros de moins par jour que prévu. Les conseillers ne peuvent pas nous aider et nous redirigent vers des médiateurs. Les médiateurs ne répondent qu'assez rarement. Les courriers de réclamations déposés sur le site de Pôle Emploi ne sont pas souvent traités. Les courriers envoyés en recommandé restent sans réponse. Il faut batailler pendant des mois pour être remboursé quand on a la chance de l'être.

Que pensez-vous de ce fameux logiciel qui calcule nos droits et qui soit disant ne se trompe jamais ? Qui le gère?

Pour le régime général Pôle emploi met à disposition des simulateurs en ligne mais pas pour l’intermittence. Les simulateurs du site Mescachets.com me semblent fiables, si vous constatez une différence avec vos droits ouverts par Pôle emploi, l’institution est alors dans l’obligation de vous apporter une explication précise. Si par téléphone ou par e-mail on ne vous donne pas de réponse, déplacez- vous en agence et exigez qu’une réponse vous soit apportée !

C.T.O.P. I interview Yann Gaudin I 6


 8. Dans l'Année Blanche nous demandions un report de date pour lequel l'ouverture de droit à l'ARE soit recalculée sur les heures effectuées depuis la dernière date anniversaire de chacun. Que toute la période de confinement soit prise en compte et décale d'autant la date anniversaire. Et non pas une date unique en remontant sur 12 mois ou jusqu'à ce qu'on trouve les 507 heures. Car ce principe en avantage certains et en désavantage d’autres. Toutes les heures effectuées en 2019 seront pour la plupart oubliées.

Vous Yann, que pensez-vous du fait de demander à ce que ce recalcule porte depuis cette date anniversaire unique jusqu'à l'ancienne date anniversaire de chacun, de telle sorte à ce que que toutes les heures n'ayant jamais fait l'objet d'un recalcule soit prises en compte ?

Je ne vais pas rentrer dans le détail mais parmi toutes les solutions de droits qui seront étudiables à l’issue de l’année blanche, il y en a qui permettront d’assimiler des heures très anciennes. Certes il y aura très probablement pour beaucoup une diminution du montant journalier d’allocations mais il faut relativiser, les salariés en chômage partiel ne touchent que 80% de leur salaire, par ailleurs comme on le sait les « intermittents de l’emploi » comme les saisonniers ou extras de la restauration n’ont pas bénéficié d’un prolongement de droits à l’instar des intermittents du spectacle. Et que dire évidemment d’un très grand nombre de commerçants qui risquent bien de se retrouver en galère pour de nombreuses années s’ils sont contraints de fermer leur boutique...

Par contre il y a un élément particulièrement problématique dans les annexes VIII & X : c’est l’absence de limite mensuelle à la consommation des franchises salaires. Un minimum de jours devrait rester indemnisables chaque mois, par exemple 10 jours, pour éviter qu’un intermittent passe plusieurs mois sans aucun salaire ni aucune allocation. Outre l’aspect psychologique de n’avoir aucun revenu, une bonne année d’affiliation qui génère des franchises salaires ne signifie pas systématiquement que l’intermittent a beaucoup d’argent de côté pour « encaisser » plusieurs mois à zéro revenu.

Le décret sur l’année blanche aurait dû prévoir une disposition particulière en la matière, et même en temps normal il s’agirait d’une sécurité en cas de passage professionnel ou personnel difficile pour un intermittent. On pourrait aussi imaginer la possibilité d’une remise partielle ou totale de trop-perçu en fin d’indemnisation s’il reste des franchises salaires non recouvrées. Car rappelons-le : une assurance est faite pour couvrir et protéger ses cotisants en cas de coup dur.

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 9. Beaucoup d'artistes écrivent sur les plateformes qu'ils n'auront pas suffisamment d'heures au 31 août 2021 car le gros de leurs heures s'effectue l'été. 

Les salles de cinéma restant closes, les tournages de long- métrages ne reprennent pas (les investisseurs gèlent leur financement). Le chômage partiel s'applique sur un contrat de référence qui correspond à un certains nombre de semaines. Désormais, il ne peut plus être appliqué car ces semaines ont été dépassé.

Tant que le confinement continue, les annonceurs lève le pied sur leur communication et ne commandent plus de films publicitaires. Les techniciens de la fiction ne peuvent donc plus se rabattre sur la pub. 

L'audiovisuel qui ne nourrit en grande partie grâce aux passages antennes des films publicitaires commencent à trembler.

Les cirques sont fermés. Les parc d'attraction aussi.

Dans un monde idéal, si vous étiez ministre de la Culture, quel soutien apporteriez-vous au monde de la culture?

Si j’étais Ministre de la Culture, déjà j’entretiendrais un contact régulier avec les professionnels du secteur par une visio-réunion ouverte à tout le monde, par exemple une fois par quinzaine, afin de recueillir les besoins & ressentis et d’informer les professionnels sur les perspectives & mesures envisagées.

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 Copyright photo @ Yann Gaudin

J’exigerais aussi de Pôle emploi que soit mis en œuvre un véritable réseau de services de proximité dans toutes les régions pour les professionnels des arts & spectacle, d’une parce que ça fait partie des obligations légales pour l’institution, de deux parce qu’il s’agirait de préparer au mieux la reprise, notamment dans la mise en relation entre les employeurs et les professionnels.

Enfin je m’engagerais sur une perspective d’augmentation du cadrage budgétaire réservé à l’indemnisation des annexes VIII & X car le Covid a au moins eu l’avantage de démontrer que les activités culturelles génèrent bien plus en milliards d’euros que le coût de l’intermittence du spectacle.


 10. Nous se sommes pas soumis aux mêmes conditions que les chômeurs du régime général, ni pour les franchises qui sont déplafonnées pour les intermittents alors qu'elle le sont pour le régime général (ce qui fait que certains intermittents ne touchent quasiment jamais le chômage même quand il ne travaillent pas), ni pour le montant de l'allocation journalière qui s'élèvent pour certain à 20% de leur salaire journalier de référence, ni pour la pénibilité de certaines professions (les ouvriers notamment) qui n'est pas considérée par Pôle Emploi, ou l'ancienneté dans notre statut qui n'a jamais été prise en compte. 

Nous sommes les derniers salariés de France depuis janvier 2019 à cotiser pour l'assurance chômage (2,4% de charges sociales salariales) et nos employeurs paient plus de cotisations pour l'embauche d'un intermittent que pour l'embauche d'un salarié lambda (près de 4% de plus).

Nous cherchons tous à bosser, à faire carrière, et non pas à vivre d'allocations chômages. Les manifestations diverses actuelles en témoignent.

Beaucoup d'intermittents trouvent ces différences de traitement assez injustes. Qu'en pensez-vous?

Sur la problématique des franchises salaires je me suis exprimé plus haut, maintenant il ne faut pas confondre avec les différés d’indemnisation du régime général, ce sont deux choses très différentes.

Cela dit il est vrai qu’au régime général, plus on a perçu de bons

salaires auparavant et mieux on est indemnisé, la pénalité sur les gros

salaires comme c’est le cas avec les franchises n’existe que dans le

régime de l’intermittence du spectacle. Or lorsque de bons salaires

d’artiste ou technicien aboutissent par exemple à 2500 euros d’ARE par

mois, c’est déjà assez limite pour habiter à Paris et ça devient encore

plus dur quand ces allocations sont réduites par des franchises salaires !

...

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 Copyright photo @ Capital - M6


 C.T.O.P. I interview Yann Gaudin I 10

 Copyright photo @ 20minutes

.... (suite question 10)

Mais les annexes VIII & X reposent sur un ensemble de dispositions très spécifiques correspondant à une idée de la solidarité interprofessionnelle. Personnellement, j’adhère à l’esprit de la convention 2016, à savoir faciliter l’accès à l’intermittence pour les primo et néo accédants par un renivellement des inégalités de situation afin de rester dans le cadrage budgétaire qui avait été défini, cependant encore une fois ce cadrage mériterait d’être relevé au regard de ce que rapporte à l’économie nationale les activités culturelles. Doubler l’effort national pour l’intermittence du spectacle, autrement dit consacrer 2 milliards par an au lieu d’1 milliard, me paraîtrait raisonnable et souhaitable, ce qui permettrait par exemple de supprimer les cotisations salariales et aligner les cotisations patronales sur les autres secteurs d’activité, ou bien encore revoir la formule de calcul des franchises salaires.


 11. Comment vos anciens collègues de Pôle Emploi envisage le 31 août 2021? Est-ce que Pôle Emploi anticipe les quelques milliers d'intermittents qui vont demander leur ré-admission?

La stratégie de Pôle emploi services repose sur l’automatisation des réexamens, cependant s’il doit y avoir un nouveau prolongement de l’année blanche je pense qu’il serait raisonnable de trouver un système qui étale dans le temps les réexamens. Car quand bien même le système informatique deviendrait très performant et fiable pour procéder à des réexamens automatisés, il y aura quand même beaucoup de questions d’intermittents à gérer et les réponses ne peuvent être qu’individuelles, ce qui suppose une disponibilité des conseillers de Pôle emploi services...

Copyright photo @ L’Express Copyright photo @ Getty Image

12. Continuez-vous d'aider les chômeurs? Comment envisagez-vous votre avenir professionnel ?

Oui tous les jours je réponds à des questions et j’accompagne certains usagers dans leurs démarches auprès de Pôle emploi, notamment en cas de blocage qui rend la situation de l’usager parfois très problématique. Pour le moment j’apporte mon aide à titre citoyen mais j’envisage la création d’une association qui permettrait notamment d’accompagner les usagers dans leurs recours judiciaires contre Pôle emploi. J’ai également des projets d’ouvrages, notamment un sur l’impact psychologique des services de Pôle emploi sur les chômeurs en général. Et puis à l’occasion de ma procédure aux prud’hommes je vais peut-être demander ma réintégration, pour reprendre mes activités au sein de Pôle emploi.

C.T.O.P. I interview Yann Gaudin I 11

  Copyright photo @ La Voix du Nord


 13. Quel message aimeriez-vous communiquer aux intermittents du spectacle?

Le message c’est qu’on peut avoir beaucoup d’espoir pour l’avenir, les activités culturelles repartiront très vite et très fort dès que les contraintes sanitaires seront levées, par le passé même en temps de récession économique le secteur de la culture s’est toujours très bien maintenu et depuis le début de cette crise du Covid l’ensemble des citoyens a pu mesurer l’importance économique et psychologique des activités culturelles pour le pays. Cette crise aura aussi été l’occasion pour les professionnels du spectacle de se fédérer à nouveau, peut-être même comme jamais auparavant ! Il y a désormais de nouveaux liens qui ont été créés, de nouvelles convergences. Il y a un bel avenir pour le spectacle, il faut juste encaisser encore quelques jours difficiles.

Merci à Yann Gaudin.

Pour C.T.O.P.

C.T.O.P. I interview Yann Gaudin I 12

 

 C.T.O.P. I interview Yann Gaudin I 13 Yann Gaudin est l’un des invités de l’émission CAPITAL sur M6 ce dimanche 17 janvier 2021 à 21h05

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annexe

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